Capitalism : A love story
12 novembre 2009Tout juste vingt ans après le révolutionnaire Roger et moi, Michael Moore revient, avec Capitalism: a love story, aux sources du sujet qui a occupé toute sa carrière : l’impact désastreux de la mainmise de l’entreprise sur le quotidien des Américains — et, par extension, sur celui du reste du monde.
Mais cette fois, le coupable est d’une autre ampleur que General Motors et la scène du crime nettement
plus étendue que la petite ville de Flint, Michigan. De l’Amérique moyenne aux coulisses du pouvoir à
Washington, jusqu’à l’épicentre de la finance mondiale à Manhattan, Michael Moore propose au spectateur,
une fois encore, de s’aventurer sur un terrain rarement arpenté.
Avec humour et insolence, Capitalism: a love story explore une question taboue : quel prix l’Amérique
paie-t’elle son amour du capitalisme ? Quelques années plus tôt, cette love story paraissait bien innocente.
Aujourd’hui, pourtant, le rêve américain s’est mué en cauchemar et ce sont les familles qui en paient
le prix avec leurs emplois, leurs foyers et leurs économies. Michael Moore nous entraîne à la rencontre
de ces gens ordinaires dont les vies ont été mises sans dessus-dessous et part en quête d’explications
à Washington et ailleurs. Et ce qu’il découvre, ce sont les symptômes bien connus d’une histoire
d’amour qui a dégénéré : mensonges, maltraitance, trahison… et 14 000 emplois perdus chaque jour.
Capitalism: a love story est à la fois l’apogée des précédents travaux de Michael Moore et un aperçu de ce à
quoi pourrait ressembler un futur porteur d’espoir.
C’est aussi et surtout la quête ultime du réalisateur pour répondre à la question qu’il s’est posé
tout au long de sa carrière : qui sommes-nous et pourquoi diable nous comportons-nous ainsi ?
Entretien avec Michael Moore
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce film ? Et pourquoi aujourd’hui ?
Aux Etats-Unis, nous avons une certaine tendance à nous voiler la face. Même si les problèmes sont juste sous notre nez et que nous sentons que les choses prennent vraiment une mauvaise tournure, nous préférons généralement nous laisser porter, et attendre que les beaux jours reviennent pour aborder ouvertement les sujets sensibles et oser dire certaines choses. Les gens choisissent de s’adapter tant bien que mal, quitte à trouver une forme de confort dans la médiocrité. Beaucoup sont convaincus que s’ils courbent l’échine et se tuent à la tâche, ils pourront passer à travers les gouttes. Il faut donc bien que quelqu’un se décide à rompre le silence et à mettre le doigt sur ce qui ne va pas. Mon but est de formuler un certain nombre de questions qui me trottent dans la tête depuis un moment et qui,
je crois, sont des questions que la société a besoin de formuler. C’est le rôle d’un artiste, d’un musicien ou d’un cinéaste, de s’extraire de la foule, de refuser de suivre le mouvement. Les politiciens ne feront rien pour changer les choses. Ce n’est pas dans leur intérêt d’être courageux, c’est bien trop risqué. C’est aux citoyens de les obliger à changer. Et quand la vérité sera faite, vous verrez que ceux qui étaient si sûrs d’eux jusque-là n’en méneront pas plus large que les gens qu’ils avaient l’habitude de prendre de haut.
Combien de temps avez-vous travaillé sur le film ?
La production a commencé au printemps 2008. Mais en réalité, il m’a fallu vingt ans pour faire ce film. Depuis Roger et moi, en 1989, tous mes projets ont été traversés par une sorte de fil rouge, des enjeux communs. Capitalism : a love story n’est pas seulement un prolongement, c’est une forme d’aboutissement, un point culminant de mon travail.
Beaucoup de gens ressentent de la colère à propos de la récente crise financière, et de ses effets sur les investissements, le prix de l’immobilier et les budgets gouvernementaux. Mais ils ne savent pas nécessairement qui blâmer.
Ce film pourra-t-il les aider à y voir clair et à distinguer les responsables de cette catastrophe ?
L’identité de ceux qui sont à l’origine de cette catastrophe financière n’est pas vraiment un mystère. La colère des gens s’est dirigée principalement vers les banques et les institutions financières qui ont détourné notre économie et ont joué avec comme au casino. Et aussi vers les politiciens qui les ont laissé faire… Ne me lancez pas sur ce sujet !
Le film ne porte pas sur la « croissance », la « récession », les « plans de sauvetage »… J’ai entamé ce projet bien avant que l’économie ne s’effondre et sans savoir que le Trésor américain serait massivement pillé un mois avant l’élection présidentielle. Le film n’est pas centré sur un individu, une entreprise, un problème local : son sujet, c’est le système qui autorise, encourage, et, pire encore, qui cautionne cette corruption.
La responsabilité du gouvernement semble évidente. Des membres des deux bords politiques, les républicains comme les démocrates, ont contribué à cette situation. Quelqu’un peut-il encore se vanter d’avoir les mains propres à Washington ?
Croyez-moi, il n’y a pas assez de savon dans le monde entier pour désinfecter Washington. Le film n’hésite pas à donner des noms, et à s’attaquer aux deux bords, sans peur ni complaisance. Le débat politique se voit toujours ramené à un affrontement entre libéraux et conservateurs, Démocrates et Républicains, ce qui est un moyen de nous détourner du véritable problème : le système dont nous dépendons étend son emprise sur les deux parties, les conservateurs comme les libéraux. Et aussi bruyants que soient les débats entre les partis, chacun n’a qu’un seul objectif : rester au pouvoir. La dernière chose qu’ils ont envie de faire, c’est de faire bouger le système. Ce film s’attaque aux problèmes qui ne sont pas débattus au congrès ou dans les talk shows du dimanche matin — lesquels vous sont généreusement offerts par Boeing, AT&T, Archer Daniels Midland, ExxonMobile…
Qu’est-ce que votre film a à offrir aux spectateurs ?
Du pop-corn et des fourches.
CAPITALISM : A LOVE STORY (2009)
• Festival de Venise, Sélection Officielle en compétition
• Lauréat de l’Open Prize et du Leoncino d’Oro
• Festival de Toronto, Sélection Officielle